
Retour sur le Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2020
20 films, 1 conférence et beaucoup de pluie, voici le bilan de ma première édition au Festival du Film Fantastique de Gérardmer ! Un bilan plutôt positif pour cette 27ème édition avec pas mal de belles surprises, puisqu’au final il n’y avait aucune grosse attente pour un film en particulier (citons Color Out of Space de Richard Stanley et Prisoners of the Ghostland de Sono Sion, tous deux avec Nicolas Cage, qu’on aurait aimé bien entendu découvrir) et des films assez éclectiques dans leur façon d’aborder le genre Fantastique et Horreur. A noter que cette année, le festival avait aussi décidé de faire une rétrospective du film fantastique français ainsi qu’une nuit spéciale Hammer en plus de la traditionnelle Nuit Décalée.
Le palmarès
Le jury des longs métrages, cette année présidé par Asia Argento et composé de Jean-François Rauger, Arielle Dombasle, Alice Winocour, Flavien Berger, Christophe Gans, Niels Schneider et Jean-Benoît Dunckel, a remis les prix suivants :
Grand Prix
Saint Maud de Rose Glass
Prix du Jury
Howling Village de Takashi Shimizu
Meilleure musique originale
Adam Janota Bzowski pour Saint Maud de Rose Glass
En ce qui concerne les autres prix, le palmarès est là encore dominé (à raison) par Saint Maud, qui aura vraiment été le film de cette édition :
Prix de la critique
Saint Maud de Rose Glass
Prix du public
1BR : The Apartment de David Marmor
Prix du jury jeunes
Saint Maud de Rose Glass
Quant à lui, le jury des courts métrages présidé par Benoît Forgeard et composé de Lucie Boujenah, Thomas Cailley, Louis-do de Lencquesaing et Coralie Fargeat a décerné le grand prix à Dibbuk de Dayan D. Oualid. Le planning de mes séances ne le permettant pas, je n’ai malheureusement pas assisté à la diffusion des courts métrages et en toute logique, je ne me prononcerai pas sur ceux-ci.
Les films
Je vais ici passer en revue les films que j’ai pu voir lors de cette édition sous forme de classement, en commençant par ceux que j’ai le moins aimé pour terminer sur ceux qui selon moi étaient les plus notables cette année. Aucune distinction ne sera faite entre les films de compétition, hors-compétition et rétrospective.
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Personal Shopper de Olivier Assayas (2016) – Retrospective
D’une vacuité rarement égalée, on a là malheureusement le stéréotype parfait du film pompeux et prétentieux, se voulant réflexion ambiguë sur le deuil et se déroulant dans le monde de la mode, décrit ici avec tous ses clichés de superficialité et de « bling-bling ». Assayas aura beau dire que son film n’est pas un film de genre tout en disant que le film de genre n’existe pas – dixit sa présentation avant la séance –, celui-ci commence comme un film de fantôme tout à fait classique dans lequel il ne se passe rien, mettant même en scène des spectres vomissant des ectoplasmes (aux effets spéciaux très mal faits). Le film se perd totalement ensuite avec une partie interminable où le personnage de Kristen Stewart parle par SMS avec le fantôme. Si ça vous branche d’entendre des vibrations de smartphone et de regarder quelqu’un répondant à des SMS dans divers espaces publics et privés, allez-y : pour moi c’était un moment d’ennui infernal. Je passe rapidement sur le reste : le téléfilm nul (c’est dit par un personnage, donc quel intérêt ?) sur Victor Hugo inclus dans le film, la résolution à la fois ridicule et inintéressante… Un des plus mauvais films que j’ai vus.
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Blood Quantum de Jeff Barnaby – Compétition
Énième film de zombie, cette fois ci aux abords d’une réserve micmaque, ce qui aurait pu être assez intéressant au niveau identité culturelle et tradition. Et bien ce n’est pas le cas. Cette identité culturelle n’est absolument pas utilisée dans le film, et celui-ci enchaîne clichés sur clichés : clins d’œil poussifs à Romero, personnages voulus « badass » avec leurs répliques « punchlines », confrontation entre frères dans une famille déchirée, des effets spéciaux pas franchement folichons… Le film et sa mise en scène assez médiocre fait penser aux plus mauvais épisodes de The Walking Dead, ça en dit long. Et pourtant sur les premières 10 minutes, j’ai failli y croire : une mise en place qui prend son temps, une cinématographie intéressante… A la 11ème minute tout cela disparaît, pour laisser place à un film totalement insipide et inintéressant
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Rabid des sœurs Soska, remake du film de Cronenberg – Hors compétition
Cinématographiquement, de la mise en scène au script en passant par les décors et effets spéciaux, tout est mauvais. Un viol en réunion du film de Cronenberg, simplement. Alors pourquoi je l’ai mis devant les deux précédent ? Et bien je crois que je n’ai jamais autant ri dans une salle de cinéma. J’ai véritablement eu des fous rire. C’était trop : les dialogues de films porno, les faux accents allemands, les personnages débiles et vides, les discothèques dont les murs sont en placo, le « monstre » en lui-même (pensez « aisselles » et « pénis », faites-en ce que vous voulez), le générique du début emballé en trois plans WTF et j’en passe. Allez, passons à la suite.
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Une fille pour le Diable de Peter Sykes (1976) – Nuit Hammer
On ne va pas se mentir, c’est du pur cinéma d’exploitation, et ce n’est pas du tout le meilleur de la Hammer. Reste le plaisir de voir Christopher Lee à l’écran, son sourire forcé maléfique, et la tonne de scènes ridicules qui en deviennent marrantes à leurs dépens. Cela dit, l’ouverture du film seule fait preuve de plus de savoir-faire cinématographique que les 3 films dont j’ai parlé au-dessus.
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La Momie Sanglante de Seth Holt (1971) – Nuit Hammer
Typique des films oubliables de la Hammer encore une fois. On rigole devant certaines scènes, le jeu d’acteur est risible (mention spéciale au personnage qui se croit dans une pièce de Shakespeare, avec son accent trop poussé et sa diction découpée à la machette). Je ne vais pas en dire plus, surtout que je me suis endormi pendant le film.
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Satanic Panic de Chelsea Stardust – Nuit Décalée
Mon planning ayant été un peu chamboulé le samedi, j’ai décidé de favoriser un film de la compétition plutôt que d’aller voir le premier film de la Nuit Décalée, Alien Crystal Palace d’Arielle Dombasle – apparemment, un chef d’œuvre du nanar. Je suis donc arrivé juste à temps pour Satanic Panic, une comédie teen-movie horrifique avec des blagues bien lourdes, des personnages caricaturaux sans cervelle, un peu de sang… Bon. Honnêtement, j’ai ri à quelques blagues, ça passe, mais je ne le reverrai sans doute jamais et je l’oublierai vite.
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I See You de Adam Randall – Hors Compétition
Concrètement ? Un thriller sympathique qui devient très énervant lorsqu’il ne sait pas quoi raconter et s’entête à tout expliquer d’A à Z au spectateur : j’ai eu l’impression que le film m’avait livré un manuel d’explication pour un meuble déjà monté. Pas grand-chose à retenir, si ce n’est la musique Dark Ambient qui elle très interessante. Au départ je l’avais classé un peu plus proche du sommet, mais après avoir constaté que je n’avais rien à écrire de plus sur ce film, j’ai décidé de privilégier ceux qui avaient quelque chose à dire.
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Vivarium de Lorcan Finnegan – Compétition
On est en ce qui me concerne sur la plus grande déception de ce festival, surtout que j’en avais entendu du bien. Le concept de base est très intéressant, complexe, mettant strictement en image le titre du film : on retrouve donc Jesse Eisenberg et Imogen Poots, piégés dans un lotissement artificiel voulant donner l’illusion de notre espace naturel citadin. Visuellement, on pensera très rapidement à la peinture surréaliste mélangée à une esthétique du produit de synthèse de grande consommation, répliqué à l’infini ; chose dont on n’a que peu l’habitude au cinéma et qui de fait, attire l’attention. Mais, malheureusement, je trouve que le film s’arrête trop vite à son concept de base : le titre du film, son esthétique, et la première scène avec les oisillons évoquant le parasitisme entre êtres vivants suffisent à décrire tout le reste de l’intrigue, qui elle ne progressera jamais. L’éventail des possibles était pourtant énorme avec ces thèmes, mais rien n’est développé : l’intrigue et les personnages piétinent un très, très long moment, et lorsqu’une nouvelle idée apparaît, elle est vite laissée de côté et n’est jamais creusée. Passé l’exposition du film, j’ai eu l’impression de voir à l’écran des post-its d’idées, ce qui m’a beaucoup ennuyé. Par dessus tout ça, je n’ai eu aucun intérêt pour les personnages ni pour les traits d’humour présents de temps à autres. Je suis donc passé totalement à côté. Et pour un film jouant sur les allégories et les métaphores, j’ai trouvé la cinématographie beaucoup trop « spectatrice », là où elle aurait pu amener des nuances supplémentaires.
Il avait vraiment tout ce qu’il fallait pour devenir une œuvre importante, pleine de signifiant et de signifié, mais en l’état, je trouve film malheureusement très vide. Énorme déception.
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Répertoire des Villes Disparues de Denis Côté – Compétition
Là encore, un film avec beaucoup d’idées mais qui malheureusement n’arrive pas à les concrétiser. C’était le premier film du festival et il faut dire que commencer par celui-là, ce n’était pas une mince affaire. Une histoire de deuil dans une petite bourgade perdue du Québec, embrumée et enneigée, qui voit apparaître des silhouettes de plus en plus nombreuses. En décrivant le film de la sorte, je ne peux m’empêcher de trouver ça intriguant, et c’est ce qui sauve un peu le film pour moi : il m’a intrigué. J’ai voulu savoir où il allait me mener… Et il ne m’a pas mené bien loin. C’est long et lent, mais pas dans le bon sens des termes, car le film semble s’attarder sur chaque scène, donnant la même importance aux éléments clés qu’au moments faibles en termes d’intrigue, pavant le chemin à un ennui qui va s’installer et ne jamais nous quitter. Les moments dramatiques ne sont pas assez dramatiques, les moments mystérieux ne sont pas assez mystérieux, le deuil est traité de façon très superficielle, comme si le film hésitait à en parler. Bref, vraiment dommage.
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Jumbo de Zoé Wittock – Hors Compétition
L’histoire suit une jeune fille travaillant dans un petit parc d’attraction rural, qui développe des sentiments pour un de ses manèges. Le sujet est affreusement casse gueule, mais hyper prometteur et peut dérouler beaucoup de possibilités hors du commun thématiquement et picturalement… Et je dois avouer que le film arrive à développer à certains moments une vraie connexion, un vrai attrait et j’en étais le premier surpris. Je me suis dit à plusieurs reprises que le film allait à fond dans son sujet (jusqu’à avoir une scène très Under The Skin) et que c’était tant mieux. Mais le film souffre aussi grandement de son côté « comédie dramatique française » (à prendre au sens stéréotypique), ce qui l’empêche d’être absolument brut dans son discours, jusqu’à cette fin vraiment dispensable. De plus, le manège en question aurait pu être bien plus personnifié à la caméra, ce qui aurait amené quelque chose de décontenançant et dérangeant en plus à ce film.
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Howling Village de Takashi Shimizu – Compétition
Une histoire racontant le parcours d’une psychiatre tourmentée par ses dons de médium, qui découvre l’existence d’un village fantôme, jusque-là seulement l’objet de légendes. Le film partait très bien, je me souviens avoir été soufflé par quelques scènes remarquablement bien mises en scène, avec un langage de l’image hyper maîtrisé : par exemple, cette scène de veillée funéraire, où chaque protagoniste évolue dans le cadre comme il évolue psychologiquement, ou ce génial flashback fait sans coupure et pourtant hyper clair, ou encore la scène fabuleuse du suicide. Du coup grâce à ça, j’étais prêt à accepter des faiblesses : le fait qu’on en voit trop, que le scénario parte dans tous les sens… Sauf que c’est allé beaucoup trop loin et vers les deux tiers du film c’est devenu absolument n’importe quoi, voire ridicule sur toute la fin, ce qui m’a vraiment irrité au plus haut point. Un gâchis.
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Leap of Faith : William Friedkin on “The Exorcist” de Alexandre O. Philippe – Hors competition
Difficile de placer ce film dans ce classement. En effet, tout son intérêt repose sur Friedkin : sa personnalité, sa façon de raconter les choses, ses anecdotes. En fait pour moi, il ne s’agit pas d’un documentaire, mais d’un entretien illustré d’images d’archive. Il n’y a qu’un seul protagoniste donc une seule version des faits : celle de Friedkin. Un seul décors, pas de mise en scène spécifique, on est vraiment là devant une interview, aussi passionnante soit-elle. Car Friedkin est un personnage avec une identité forte et une passion débordante, et pour tout amoureux du cinéma c’est un plaisir que de l’écouter parler de la genèse de The Exorcist. Encore mieux, c’est le genre de document qui alimente ma propre passion et mes propres envies… Et je crois que c’est là l’important, même si j’aurais aimé avoir un vrai documentaire, avec un travail de mise en scène, de progression et de recherche plus poussé.
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La Dernière Vie de Simon de Léo Karmann – Hors compétition
Une petite surprise ! Le film raconte l’histoire de Simon, orphelin qui rencontre deux autres enfants issus d’une famille aimante… La particularité étant que Simon peut prendre l’apparence des personnes qu’il a touché. Pendant une bonne partie, le film est vraiment touchant, avec feeling très Spielberg ; on est émotionnellement pris dans l’histoire, les personnages sont tous très naturels et réalistes, et la particularité « fantastique » de Simon s’intègre parfaitement au tableau. J’y ai cru, simplement. Là où le bât blesse, c’est dans la seconde partie où Simon est adulte : la magie qui opérait au début du film semble s’effriter jusqu’au moment où, à mon sens, le scénario se perd complètement dans ses péripéties. Mais… Finalement, j’ai comme de l’affection pour ce film.
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The Room de Christian Volckman – Compétition
Un couple décide d’emménager dans une maison à rénover complètement, à l’écart de la ville. Ils se rendent compte rapidement que cette maison comporte une pièce secrète qui semble exaucer tous leurs désirs matériels. Comme Vivarium, un film reposant sur un concept et ses dérives ; j’ai beau avoir repéré un petit paquet d’invraisemblances scénaristiques (le concept est casse gueule) et avoir somnolé pendant quelques minutes lors de la projection, je mentirais en disant que je n’ai pas été pris dans le récit et les personnages. Je me suis senti concerné par leur histoire et leur devenir, et j’ai trouvé certaines idées vraiment sympathiques. Malgré ses défauts, je l’ai regardé avec plaisir.
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1BR : The Apartment de David Marmor – Compétition
Un cas étrange, ce 1BR. Je me souviens à l’instant où le générique est apparu avoir été vraiment satisfait par ce que je venais de voir. Et pourtant, plus j’y réfléchis, plus je suis partagé… Pas au point d’avoir un avis totalement différent non, mais largement plus nuancé. L’histoire de cette jeune fille voulant prendre un nouveau départ dans une nouvelle ville, un nouvel appartement, qui se retrouve piégée dans son immeuble est vraiment prenante. La tension monte lentement mais sûrement pendant le film, jouant sur le faux semblant, jusqu’à devenir pervers. Et c’est là qu’il y a un petit soucis… C’est pervers mais gentillet. En y repensant, j’avais vraiment envie que ça aille plus loin, beaucoup plus loin. Plus viscéral, plus sale, plus menaçant. Au lieu de ça, le film reste dans les limites de l’acceptable, et c’est son principal défaut à mon sens, ce qui le bloque dans la case « survival » jusqu’à son dernier plan. L’enjouement ainsi que la modestie du producteur et du réalisateur lors de la présentation qui a précédé le film y est peut-être pour quelque chose : on sent qu’ils ont pris plaisir à faire ce film, que leurs intentions étaient simples et sans prétention.
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The Vigil de Keith Thomas – Compétition
Le film se passe en huis clos autour d’un personnage campé par Dave Davis, qui vient de quitter la communauté juive orthodoxe. Celui-ci est néanmoins appelé pour assurer la veillée funèbre d’un membre de ce groupe religieux : il va donc se retrouver seul, toute une nuit avec pour seul compagnon le corps du défunt. Une exposition assez classique, qui m’a fait penser à Autopsy of Jane Doe mais aussi au Veilleur de Nuit de Bornedal… Et probablement à beaucoup de films d’horreur en huis clos, on ne va pas se le cacher. Le vrai point fort de ce film est l’identité culturelle du personnage et de son environnement : on sent son envie de s’en détacher et sa difficulté à appréhender le monde extérieur, en témoigne son anxiété sociale. Il est facile de s’attacher à ce personnage, car il est finalement assez universel dans les questions qu’il nous fait nous poser. Cet aspect (très important), prend largement le pas sur les faiblesses du film : les péripéties pas forcément très inventives mais efficaces, les scènes « rythmées » par les conversation SMS affichées à l’écran et les vibrations du smartphone, et surtout pour moi un climax manquant cruellement d’intensité. La mise en scène ne se distingue pas non plus, on reste dans les carcans de ce genre de films. En fait, je trouve ce film plutôt bon, je dois l’avouer car ça m’a fait plaisir de le voir, mais trop classique au point que j’ai l’impression de l’avoir déjà vu.
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Sea Fever de Neasa Hardiman – Compétition
De la même façon que Warning dont je vais parler après, c’est un film que j’ai envie d’aimer parce que ses thèmes me touchent et me passionnent. L’histoire se passe en huis clos sur un vieux chalutier perdu en pleine mer, sur lequel a embarqué une étudiante en biologie. Le chalutier se retrouve bientôt coincé au milieu de l’atlantique par une forme de vie inconnue. Huis clos, océan, forme de vie abyssale et inconnue : aucunement besoin de dire que je l’attendais celui-ci. Globalement, Sea Fever, c’est The Thing au milieu de l’océan. Le film a eu l’intelligence de ne pas en montrer trop, mais juste assez pour que la menace reste mystérieuse, ce qui est largement suffisant tant elle est présente dans la peur des personnages. La tension monte constamment et la représentation du temps qui passe sur le bateau est vraiment bien retranscrite ; je me souviens m’être dit que j’aurais voulu plus de scènes de nuit, mais quelque part, la menace est là quelle que soit l’heure de la journée, donc il fallait le montrer. Le film reste donc très pragmatique et réaliste dans son traitement du fantastique et de l’horreur : on essaie de trouver des solutions rationnelles à de l’inconnu, et c’est ce que je trouve passionnant. Malheureusement, après un climax aux deux tiers du film, celui-ci peine à maintenir une tension et on finit par lâcher peu à peu, à s’éloigner des personnages et de leur destin. Il y avait pourtant pas mal à faire, des portes entre-ouvertes qui ne seront jamais exploitées. Dommage !
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Warning : Do Not Play de Kim Jin-won – Hors competition
Le film de clôture du festival ! Une séance à 22h après 4 jours à arpenter les salles de cinéma de 9h à 1h du matin en moyenne, les conditions ne sont pas forcément réunies pour apprécier un film à sa juste valeur : moins de patience, moins d’indulgence. Et pourtant, chez moi ça a fonctionné. Il faut dire que beaucoup de choses étaient réunies pour me plaire : cette histoire de cinéaste d’horreur s’intéressant à un film d’étudiant maudit et faisant un travail d’enquête pour le retrouver, à la manière d’un Tesis d’Amenabar, partait sur les chapeaux de roue. On rentre directement dans le vif du sujet dès les premières secondes et pendant une bonne moitié de film j’en ai été totalement passionné. J’adore les travaux d’enquête dans les films, les recherches dans les archives, qu’elles soient physiques ou numériques, et là j’ai été servi. J’ai ressenti dans la musique et la façon de mettre en scène ces moments de recherche très Fincher / Cronenweth : une utilisation très millimétrée de la lumière (très intéressante ici dans le langage des couleurs) et dans le cadrage. Les dialogues sont aussi très intéressants à analyser, délaissant parfois la caméra « de côté » ou « par-dessus l’épaule » pour une caméra placée entre les protagonistes… puis dont la place évolue au fur et à mesure des échanges. On notera aussi que si les dialogues sont très bien mis en scène, le silence l’est aussi particulièrement. Il y a des moments assez longs pendant lesquels aucun mot n’est prononcé, sans que cela se fasse sentir : assez rare pour être marquant. J’ai aussi été complètement happé par le personnage principal et ses problèmes d’inspiration, que je trouve très bien retranscrits à l’écran et auxquels je m’identifie totalement. Avec un tel texte, difficile de ne pas se dire : mais pourquoi en 3ème seulement alors ? Parce que les deux suivants sont vraiment au dessus, sans aucun doute, et parce que ça déraille un peu trop à la fin, le film tombant dans des clichés d’un film de fantôme à cheval entre l’esthétique occidentale et coréenne. On perd petit à petit l’intérêt pour le film. Tout ce qui faisait son charme disparaît, même si beaucoup d’idées persistent. Certainement un film que je reverrai cependant.
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Saint Maud de Rose Glass – Compétition
Là, on monte d’un cran niveau qualité, à tel point qu’il est difficile de remettre en cause l’hégémonie du film sur cette édition du festival de Gérardmer. L’histoire racontée est celle de Maud, infirmière à domicile qui s’installe chez Amanda, qui a une histoire de vie totalement opposée à la sienne. Maud, très croyante, est fasciné par sa patiente et va se mettre en tête de sauver l’âme d’Amanda. Tout le récit est centré sur Maud, et même plus que ça : le récit et le point de vue du personnage principal sont confondus, ce qui rend la perception des situations même les plus banales très particulières et c’est là une des grandes forces du film. Chaque scène est imprégnée de la psyché fragile, anxiogène et parfois perverse de Maud, aveuglée par la pratique de sa religion ; chaque élément est mis en place de façon réfléchie, au bon moment et à la bonne place. On notera aussi une mise en scène superbe, sculptant la lumière dans la plus pure tradition du clair-obscur, on pensera à de nombreuses reprises aux œuvres de Vermeer et à Rembrandt (dont la technique utilisée tire son nom d’ailleurs), et pour parler cinématographie, à Gordon Willis (The Godfather) et Jack Cardiff (Black Narcissus). Un vrai bonheur visceral, dont le seul bémol pour moi est cette manie à certains moments du film de montrer des choses qui jurent avec la sobriété générale du film. Il y a des scènes où il était possible d’obtenir les mêmes significations (et même aller plus loin !) avec plus de finesse et de poésie sans avoir recours à des effets spéciaux trop frontaux. C’est dommage, mais je ne parle que d’infimes parties du film, qui n’empêchent aucunement de constater sa réussite.
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The Lodge de Veronika Franz & Severin Fiala – Hors Compétition
Le contexte du visionnage est très important, on ne cessera de le répéter, et dans le cas de ce film ça se vérifie encore une fois. Il raconte l’histoire d’une famille recomposée, dans laquelle les enfants n’acceptent pas la nouvelle compagne de leur père, unique rescapée du suicide collectif d’une secte. Pour apprendre à mieux se connaître et malgré leurs différends, ils acceptent tous de passer les fêtes de Noël dans un chalet isolé. Je ne suis pas ressorti du film en me disant que je m’étais pris une claque, je l’avais même trouvé un peu long, mais au fur et à mesure des séances qui suivaient j’ai continué à y re-songer, et même au moment où j’écris ces lignes, j’ai en tête des scènes qui semblent vouloir s’installer durablement dans mon esprit. Quand je dis que le contexte est important, c’est que j’ai eu l’impression d’avoir été dérangé dans mon visionnage par un public applaudissant des scènes à des moment inopportun. J’ai l’impression qu’il m’a fait raté un truc, et même malgré ça les images sont restées ancrées ! Et quand j’y repense : l’installation des personnages, assez complexe, la façon dont le film nous mène pour nous faire adopter un point de vue puis nous faire naviguer vers un autre de façon naturelle, sans qu’on s’en rende vraiment compte. Et à chaque fois que je me disais « c’est évident, on va aller vers là », j’ai été constamment surpris par le film, qui opte quelque part pour un format assez chapitré sans pour autant en faire part au spectateur. Le film nous fait confiance et on le suit. Au fur et à mesure du film, on s’enfonce avec les personnages dans leur psyché et dans les recoins tordus de l’histoire. La cinématographie et la composition des plans sont très, très soignés et évoluent au cours du film pour atteindre une intensité et un poids pictural impressionnant, et on pourra s’amuser à constater à quel point le film détruit totalement l’ambiance de Nöel qu’on retrouve habituellement dans les films se déroulant à cette saison. C’est le seul film que j’avais envie de revoir le lendemain pendant le festival (ce que je n’ai pu faire), et j’attends de pied ferme sa sortie, probablement directement en DVD malheureusement.
Petit point sur ces deux derniers films : dans le groupe avec qui j’étais pendant le festival, nous étions unanimement d’accord pour reconnaître depuis quelques années l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes, menée pour le moment par Robert Eggers (The Witch et le fabuleux The Lighthouse, déjà dans mes films préférés) et Ari Aster (Heredity et Midsommar), tant pour la façon d’aborder leurs thèmes que de les mettre en image. Voir des films comme Saint Maud ou The Lodge déjà s’inscrire dans ce sillon est vraiment excitant pour l’avenir !
En ce qui concerne la conférence, la Rencontre Fantastique qui était très interessante, je mettrai en lien dès qu’elle sera publiée l’émission enregistrée de Grand Ecran (RCN) animée par Roland Marotel, qui en passe quelques extraits.