
Wheelfall : nouvelle « drum video »
La batterie est certainement un des instruments les plus visuels : il demande un investissement physique particulier, en plus du fait que la batterie est comme son nom l’indique, une batterie de plusieurs percussions. Ce n’est donc pas une surprise de parfois rester pantois devant ces musiciens tentaculaires, tant la performance est impressionnante ! Et d’ailleurs, on voit pulluler sur internet les drum cams, les playthroughs etc. … Il fallait bien que Wheelfall y passe à un moment donné, restait à savoir le « comment » et quel morceau.
Et justement, étant donné le nombre astronomique de vidéos playthrough, qui ont maintenant leurs règles et passages obligatoires très fatiguants à la longue (le plan sur les pieds, le plan du dessus en contre plongée, le plan « steadycam » devant la batterie etc), l’idée était pour moi en tant que que compositeur et réalisateur de proposer autre chose qu’une vidéo pédagogique noyée dans toutes les autres. Cette vidéo ne devait pas être sur une performance, ni sur la technique, mais sur la musique : la symbiose entre le musicien et son instrument ; l’interprétation du morceau. Ce que je voulais capter à la caméra était l’intensité, l’effort, la passion du musicien, qui pour moi prévaut sur n’importe quel blast-beat à 320 bpm. On zoome aussi sur des détails inusuels reflétant le côté industriel du morceau, pour donner une autre perspective de l’instrument que celle à laquelle on est habitué. Et le tout est monté de façon à suivre une certaine narration : on se concentre sur des détails pour ensuite évoquer « l’ensemble » avec plus de distance, jusqu’au plan final qui est une sorte de point culminant à cette rencontre d’intensité entre Niko et sa batterie.
Concernant le morceau, notre choix avec Niko s’est porté sur « Impenitent ». C’est un des morceaux les plus tendus de « The Atrocity Reports » qui dans sa forme assez « catchy » regorge de petites idées, de mises en places et de grooves qui sortent un peu de l’ordinaire.
Parmi ces idées, on peut citer Le refrain du morceau (le premier commence à 01:13) : lors de la composition, l’idée était de retrouver l’intensité d’un blast-beat, sans en faire un, ce qui pour moi aurait « aplati » le groove de ce passage (tous les autres instruments sont en trémolos). Du coup, je me suis intéressé aux patterns de batterie Jazz Bebop, d’où sont venus les accents à la caisse claire. En second temps, à chaque fois que j’écoutais le refrain, j’imaginais une marche guerrière : je suis donc arrivé avec cette partie de caisse claire qui rappelle (à mon sens) les percussionnistes dans les dans un contexte guerrier. Par dessus, tapis de double pédale pour la continuité et quelques cymbales quand c’est humainement possible, et on avait la partie rythmique !
La deuxième partie qui me semble assez intéressante est celle qui vient juste après le second refrain (02:37). On commence d’abord par la partie qui va servir de transition entre la première partie du morceau et le pont, qui déploie une sorte de tromperie rythmique : un changement de mesure (on passe à 3 temps par mesure), des accents mis à des endroits différents, des sextolets, ce qui crée ce sentiment ternaire alors que la premiere partie du morceau était tout ce qu’il y a de plus binaire et mécanique. A la batterie, Niko joue la partie comme une sorte de valse à 3 temps dont le motif s’étend sur 3 mesures de 4 temps, en gardant sur son charley la pulsation rythmique originelle du morceau.
La transition entre ces deux parties permet d’amener l’auditeur à sentir naturellement le changement, sans qu’il soit brusque (bien que ça puisse être aussi une intention, mais pas ici). Tout d’abord, la batterie reste sur un pattern binaire alors que la guitare joue en contre-temps sur une mesure à sept temps, donc quelque part l’oreille de l’auditeur commence à remplir un nouvel espace. Puis quelques mesures en 3 temps et surtout un aperçu du pont (mesure 99). On peut envisager ça comme de la pré-cognition quelque part (rires) ! On fait entrevoir le futur à l’auditeur, qui à l’arrivée sur le pont est finalement surpris mais a aussi une vague impression de « déjà vu ».
Cette façon de faire entrevoir un thème à l’auditeur en avance n’est pas nouvelle évidemment, c’est quelque chose que j’utilise très souvent en composition et qui est totalement hérité des leitmotivs de la musique « classique ». C’est une technique que j’ai utilisé très largement dans « Glasrew Point », et un peu moins dans « The Atrocity Reports », si ça vous intéresse que je développe, faites le moi savoir !